samedi 6 octobre 2012


La Quête du diamant 

par Nathalie Gaul Kaïsu

Philosophe de formation, Nathalie Gaul Kaïsu entreprend de penser au cœur de cet essai, une quête de l’être plutôt que du paraître sous la forme d’une préparation à l’intériorité et à la spiritualité.
Dans un monde moderne où bien trop souvent le néant et l’absurde font force de loi, l’auteur s’oppose au découragement et invite à la résistance du cœur et de l'esprit, pour qui l’âme humaine a encore un sens.
Qu’en est-il de nos jours du sens que nous donnons à l’existence? Qu’en est-il aujourd’hui de ce que nous avons en nous en qualité d’êtres humains, de plus fondamental et de plus essentiel? Où en sommes-nous de nos valeurs? Le bonheur et la liberté sont-ils aussi inaccessibles que nous le voudrions? Qu'il s'agisse de penser l'être, la liberté, dieu, la foi, les droits de l'homme, ou la responsabilité et le courage d'être soi, la quête du diamant est infinie...
Opuscule sur le droit à l'Humanité

Opuscule sur le droit à l'Humanité

Une réflexion sur l’Humanité, sur la Société Moderne, basée sur la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948 et sur la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 et 1793. Comment a évolué l’Homme depuis l’établissement de ces Déclarations? Ont-elles influé sur son comportement, sur la Civilisation? Que nous reste-t-il à... [lire la suite]

Eloge de la contrainte

Eloge de la contrainte

Témoignage d’un esprit choqué et marqué à vie, cet essai est l’occasion pour son auteur de nous faire partager ses pensées et ses états d’âme, souvent exprimés avec force et volonté, sur notre monde. Des douleurs de la vie quotidienne aux faiblesses du système d’éducation, d’une réflexion sur la démarche artistique au rayonnement faiblissant de la... [lire la suite]



dimanche 29 août 2010

Supplément au Préambule de La Quête du Diamant de 2010 avant Parution. Il est important pour moi de souligner que ce livre a été terminé en 2009 même s’il paraît en 2010, et surtout qu’il ne représente qu’une infime partie de ma pensée, dans le sens où évidemment, ma pensée va évoluer, mais surtout dans le sens où je l’ai écrit en le destinant au public en essayant de le rendre compréhensible pour tous. De plus, mon projet initial était de participer à mon échelle à « préparer » l’esprit à la Spiritualité, dans le sens où selon moi, nous en manquons grandement. J’aurai voulu pouvoir écrire plus simplement et plus profondément, j'aimerai tellement pouvoir expliquer clairement, simplement et profondément, que la Vérité n'est qu'une question de Degrés de Perceptions, de Représentations, de Perspectives et d'Interprétations, la Puissance Illimitée des Véritables Pouvoirs de l'Esprit et du Coeur Humains, la Nécessité Vitale pour chacun de Devenir Meilleur... Nos concepts intellectuels et occidentaux en particulier, surtout actuels, sont trop limités, sont inaptes à saisir, l'Essence véritable de la Beauté du Monde et de la Nature Humaine. Cela n'empêche pas la laideur du monde, mais cela justifie d'autant plus la Nécessité de la Résistance à la Déshumanisation du Monde et des Êtres Humains. Or je ne parviens pas encore, à écrire aussi clairement que je le voudrai. Ce n’est donc qu’une étape, et d’autant plus parce que ma pensée est ici ampûtée de par son usage public, amoindrie de beaucoup de mes convictions, conclusions, expériences, qui à vos yeux ne seraient tout au plus que de la science-fiction, de l’ésotérisme et du mysticisme. Il me fallait aller à l’Essentiel. Il me semble évident que c’est le Destin de tout Être Humain en ce monde et dés la naissance, de se perfectionner, et non pas de se croire spirituel mais seulement de l’être et de le devenir, au jour le jour, jour aprés jour, au quotidien, au coeur de chacun de ses actes et dans tous ses comportements, parce que c’est sa Nature la plus Fondamentale.
   Que Savons-nous de ce qui Est ? Plutôt que de se perdre en Idées générales, en bonnes intentions, en idéologies et en idéaux absolus, en concepts figés, intellectuels, soyons certains que l’Âme, dans sa Lumière et sa Simplicité, n’aime que le Bien, la Lumière, la Limpidité, la Clarté, et que tous les écrits, tous les discours, tous les débats que nous pouvons avoir sur elle, ne l’affecte en aucune façon. Pas plus que Dieu, s’il Est, et je le crois, et de toutes les fibres de mon Être. Bien évidemment, je puis me tromper. Nous ne parlons ici rien que de Convictions, de suppositions, de Croyances...
   Pour simplifier ma perspective: je dirai simplement que nous nous trompons grandement quand nous imaginons que Dieu est une sorte de Père Noël qui devrait exaucer nos voeux et notre besoin de Justice ou de Compréhension, et que c’est la Notion même de Dieu, qu’il faut redéfinir à la lumière de ce tout nouveau siècle. Comment pourrait-on rationnellement envisager l’existence d’un Dieu avec l’atroce Xxème siècle que nous avons eu ? Serait-ce une folie ? Il me semble que l’Athéisme, est une conviction, une croyance, totalement légitime. Mais en ce qui concerne « ceux qui croient », puisque Dieu est « Sensible au Coeur », encore faudrait-il qu’ils puissent réaliser l’acte de croire –que nous puissions croire !- « d’une façon qui plaise à Dieu »... Dieu en tant qu’Infini, Eternel, Omniscient et Illimité, n’a en aucune façon, à être digne de nous ; il nous incombe seulement à Nous, d’être Dignes de Lui... Et c’est dans cet écart vertigineux, ce gouffre, que le Néant, l’Absurde, ou pire encore, le Mal, ont le loisir de s’implanter...
   Je pense et trés sérieusement, que le problème fondamental depuis la Nuit des Temps, relève simplement de la Disharmonie, de la Contradiction, entre la Volonté de Dieu et celle des Hommes. Cela se complique encore plus dangeureusement, lorsque les hommes se prenant pour des dieux, s’en donnent à coeur joie pour compliquer le Plan divin qui lui n’est qu’Harmonie, Sagesse, Justice, Compréhension, Amour.  Lorsque nous mettrons notre volonté et notre sagesse dans notre adhésion à la simple et véritable Volonté Divine, qui bien évidemment, est au-delà de toutes les Religions, il va de soi que nous nous rapprocherons de Dieu et que nous comprendrons bien mieux, le rôle fondamental de l’Être Humain sur Terre et le Respect qui lui est dû. Nul n’est besoin de croire en Dieu pour partager ces vues, humanistes et philosophiques par excellence. Peut-être un jour comprendrons-nous, que notre principale prière, devrait être avant toute chose, de remercier la Vie, ou Dieu, de nous permettre d’être en Vie, susceptibles d’évoluer et de nous élever jusqu’à ses sphères spirituelles. Croire ou bien ne pas croire : là n’est pas le problème; là n'est même pas la question...
   Paris, ce Dimanche 29 Août 2010.] NGK.   

samedi 10 avril 2010

Chapitre V - Extrait -

(...) Dans un monde de somnambules, ce sont les insomniaques qui ressemblent à des fous et dans une société malade, ce sont les biens portants qui doivent se sentir suspects, et en aucun cas les malades, ou pire encore, les victimes, les plus faibles, les plus fragiles. Il nous faut de nos jours, une dose infinie, d’utopie, de sage folie, de conscience de soi perpétuelle, un esprit éveillé autant que responsable, pour pouvoir supporter ce monde et le vide spirituel, la désertion spirituelle dans lesquels nous sommes entrés.

Ceux qui dorment tranquillement et sans rien remettre en question tout en se croyant éveillés, voire sages, ont-ils une conscience par-delà la conscience de surface, qui puisse leur permettre de concevoir l’altérité et de se mettre à la place des autres ? En ont-ils même envie ou en ont-ils l’idée ? L’absence d’empathie résonne en nous comme la mort de notre humanité. La mort de l’Autre, sa négation, sa suppression, est notre propre mort ; tout comme spirituellement nous creusons notre propre tombe aussi sûrement que possible en nuisant sciemment à autrui. Dès lors que le mal nous réjouit, nous devenons son jouet, nous sommes pervertis. De-là, aucune spiritualité ne peut plus émerger. Et c’est le problème de notre temps. C’est plus de guérison sinon de thérapie, si ce n’est d’exorcisme et peut-être de rédemption que le monde a besoin, que de quête de sagesse. Et la Sagesse émergera le plus naturellement du monde, lorsque ses conditions de légitimité et d’exercice seront favorisées ou deviendront d’actualité.

C’est une humanité qui tue le Ki et l’énergie vitale, qui éteint l’instinct de survie ou le développe plus encore, que nous nous programmons à être si nous ne changeons rien à nos comportements, nos mœurs, nos modes d’être ; avoir pour seule alternative de manger l’autre ou bien d’être mangé, d’attaquer ou de se défendre, n’est pas l’indice d’une civilisation évoluée ni de rapports sociaux qui puissent être dits sains. Pire encore, j’ai la sensation que notre époque se prête tout particulièrement à nous tuer, à nous endommager les uns, les autres, à nous détruire, à nous aider à nous autodétruire, avec brutalité autant qu’avec subtilité. C’est évident de par le monde, mais au cœur de nos sociétés dites « développées » et civilisées, l’inhumain vit à pas feutrés, l’inhumain ne peut évidemment pas se permettre de s’afficher tel quel, de s’affirmer comme inhumain dans toute son odieuse clarté. Les moyens employés sont plus pervers et tirent leur légitimité de systèmes mis en place pour pouvoir maintenir l’ordre et la cohésion en toute transparence ; en toute « humanité ».

À chaque époque l’humanité se trouve comme redéfinie, en vertu des uns et des autres, ou en vertu de l’influence de leur puissance économique, sociale, politique, idéologique, qu’elle soit prépondérante ou qu’elle brille par son absence. Il n’est question que de pouvoir, d’influences et de dominances, si ce n’est de réseaux, de clans, ou encore de tribus. Or nous sommes cette Humanité ; nous sommes l’humanité, la dignité, qui se déploie et s’actualise en nous et hors de nous, autour de nous. Et nous sommes responsables tout autant de leur existence que de leur disparition. Tout comme notre environnement, la société et plus encore l’Etat, le sont. Il y aura toujours des groupes de résistance, des gens de bonne et belle volonté qui par leur propre humanité viendront soutenir, raviver et encourager notre humanité en péril, en désertion ou en déliquescence, aussi tant est que la conscience de soi nous commande de poursuivre cette voie-là. Nous avons besoin d’espérance. Nous avons besoin d’espérer. Nous avons besoin de sortir des voies sans issue, des impasses.

Relire Primo Levi pour ne pas oublier qu’en justifiant l’injustifiable et qu’en banalisant le mal, pire, en le « comprenant », on le permet, on s’en fait silencieusement, le complice et l’ami, sinon le partenaire. Quand bien même c’est une pensée particulièrement cynique, j’imagine combien aujourd’hui, avec les flux d’immigration ici et là, et les mœurs qui partout tendent à se développer, combien beaucoup regrettent que la Seconde Guerre Mondiale se soit terminée pour l’Europe et pour le monde entier, de cette façon-là. Nous avons oublié sans doute, ce que la liberté peut nous permettre. Tout ce qu’elle nous permet encore. Toujours la philosophie des « Et si… ». Et si nous n’avions pas gagné la Guerre, etc., etc., à l’infini.

Le totalitarisme en tant qu’esprit, n’est certainement pas éteint même au cœur de nos sociétés. Il se fait tout juste invisible, sous d’autres formes multiples, plus diluées, moins apparentes, moins dérangeantes. Il prolifère avec habileté, dans le cerveau des uns, des autres ou au cœur des usages, des pratiques et des comportements qui sont les nôtres. Il est seulement acidulé et rendu supportable, de par la dose d’humanité et de modernité qu’il aime parfois revêtir. C’était ce que Primo Lévi essayait de nous dire au cœur des conférences dans lesquelles il s’est exprimé jusqu’à son décès en 1987.
Dans le milieu de l’entreprise et du travail, au cœur des universités, au cœur même de la société, des administrations et des institutions, il se développe sournoisement sous des formes adoucies au travers de mœurs et d’usages, au travers de codes et de règles, de conditionnements, et la notion d’harcèlement moral n’en est encore ici et là, que le sommet de l’iceberg. Où commence le respect humain et où se termine-t-il ? Où commence la conscience et le sens du devoir éthique ? Qu’est-ce que la Conscience Morale ?

Faut-il voir dans certaines formes de totalitarisme moral ou mental, une donnée fondamentale de la conscience humaine ? Moins les individus seront considérés comme des êtres, et moins eux-mêmes se feront valoir, respecter en vertu de leurs droits, de leur intégrité et de leur dignité, moins ils auront conscience de leur propre dignité d’être humain, plus ils seront seulement des choses et des éléments d’un système que l’on peut nier, annihiler et détruire à loisir, ou manipuler facilement au nom de la compétitivité, de la reconnaissance, de la domination, de la réputation, etc. Au cœur des faits divers, quand apparaît la barbarie, elle nous choque profondément, nous révolte sans doute, mais elle ne remet pas en doute ni en question le plus souvent, les causes réelles et profondes de son émergence, ni le pourquoi fondamental de son apparition qui, jamais bien évidemment, n’est le fruit du hasard ni celui de l’Absurde. Or, elle devrait nous questionner et profondément nous interroger ; encore plus sous l’aspect de sa forme sociale, politique, économique, intellectuelle et psychologique. (...)

lundi 5 avril 2010

Chapitre X ( Extraits )

(...) Bergson l’a très bien dit dans L’Évolution Créatrice : « La spéculation est un luxe, tandis que l’action est une nécessité ».

Revenir au présent de mon existence en ce monde. Car c’est au quotidien et au cœur de la vie la plus immédiate et la plus nécessaire, la vie de tous les jours, que je dois pouvoir puissamment satisfaire mon besoin de sens, me déterminer à agir, établir des priorités, obéir à une hiérarchie des valeurs. C’est bel et bien dans le présent et dans la présence à moi-même que je dois me rendre digne de moi chaque jour de mon existence, et non pas retarder sans fin l’expression de mes buts, de mes désirs, de mes besoins, de mes actions, de mes résolutions, de mes projets. Ce n’est certainement pas d’un hypothétique salut qui arrivera dans l’autre vie que peut se nourrir pour exister et pour se sentir vivifiée, la conscience humaine. Ce n’est pas d’un « après », envisagé comme récompense ou damnation, ni même d’un ailleurs projeté dieu sait où, ni même dans un passé désormais révolu, que s’accomplit mon existence.

Ici et maintenant. C’est dans l’agir de tous les jours, à chaque instant au cœur du quotidien, que se trouve ma rédemption, que se trouve ma destinée, que se trouve ma raison d’être, l’urgence de la vie, l’obligation de mon salut, la nécessité de mon être, la liberté de mon esprit, toute la liberté que je puis avoir ici-bas. Tout ce qui arrivera, et qui ne dépend pas de nous, arrivera bien assez tôt, et que nous le voulions ou non. Ma plus grande marge de manœuvre, de manœuvre et de liberté, est ici, maintenant, et sans cesse dès aujourd’hui. Ce n’est qu’au cœur même de l’expérience de ma propre destinée et au sein même de l’expérience de ce temps présent unifié, que je me sais, que je me sens, vivante et vivifiée, si ce n’est unifiée, que je puis me réaliser, que je puis espérer au mieux, réussir et me réussir en tant qu’être. En tant qu’être conscient.

En ce qui concerne le Règne de Dieu, nous y participons ensemble, aussi tant est que nous nous élevions jusqu’à sa manifestation, sa sensation peut-être. Dieu ne veut rien qu’être en nous tous sans doute, mais ce sont des vertus dont nous n’imaginons certainement pas à quel point il faut qu’elles soient nôtres pour pouvoir seulement apercevoir l’orée du royaume divin en nous. Or cela nous est accessible de par notre nature même. Pourquoi sommes-nous autant entravés ? Pourquoi nous laissons-nous autant corrompre ? Pourquoi tant de difficultés pour nous élever au-delà de notre Moi si personnel, si illusoire, si peu Universel ?

(...)

Le silence intérieur est la musique de l’Esprit. La musique de Dieu est une symphonie, une Harmonie Parfaite. Le Bien en est sans doute, le Son le plus Sublime. En ce sens la prière nous permet de nous arracher à nous en tant qu’individus particuliers autant qu’elle nous permet de revenir vers nous par-delà toute dispersion, et de nous élever sans cesse dans une plus grande unité, union et communion, jusqu’à la pureté divine. Faire le silence en soi pour retrouver de l’espace intérieur. Dixit Joseph Ratzinger, Benoît XVI : « Là où Dieu n’est pas, rien ne peut être bon. Là où l’on ne voit pas Dieu, l’homme déchoit, ainsi que le monde » .

Ce serait cela vivre ?

La question en ce qui me concerne n’est effectivement pas « Qui suis-je ? », mais bien plutôt souvent celle-ci:: « Que fais-je ici ? », « Que dois-je faire? ». Saint Augustin écrit : « Que veux-je dire Seigneur mon Dieu, sinon que j’ignore d’où je suis venu ici-bas, en cette vie. Dois-je la nommer une vie mortelle, ou plutôt une mort vivante ? Je ne sais » . Ce dilemme souvent, me traverse l’esprit. Joseph Ratzinger écrit : « La terre devient « ciel » seulement si et dans la mesure où la volonté de Dieu y est faite, tandis qu’elle n’est que « terre », pôle opposé au ciel, si et dans la mesure où elle se soustrait à la volonté de Dieu » .

(...)

Même « l’idiot » de Dostoïevski , malgré sa merveilleuse candeur, son irrémédiable bonté, se retrouve persécuté, martyrisé, détruit, en vertu de ses valeurs pures. La réalité quant à elle, n’a parfois rien d’un songe ou d’une rêverie. Or c’est au prix de sa lutte permanente contre le mal, que le héros, Mychkine, continue de répandre la lumière autour de lui et toute l’excellence de sa sincérité, qui malheureusement, effectivement le perdra.

Ce monde-là n’est certainement pas le plus approprié pour la permanence divine, pour la pleine expression de toute sa luminosité. Dieu, lui, n’y est pour rien si l’actualisation en l’homme de sa part de divinité ne se réalise qu’au prix de son élévation, si la dégradation et l’amoindrissement des hommes leur offrent parfois plus de séduction et de contentement ou de plaisir que la quête de la lumière, et s’ils se nourrissent souvent sciemment de leurs propres défauts, erreurs, difformités, démons, perversités et obscurcissements, plutôt que de les affronter pour réaliser l’alchimie de ce que nous sommes en nous-mêmes. Notre libre-arbitre nous est donné pour que nos choix restent les nôtres quoi que nous en fassions.

(...)

Bénis-moi Seigneur et pardonne-moi au nom du Christ puisque tu es Amour, lorsque que je fais le Mal sciemment ou que je fais du mal à mes semblables ? Je ne pense pas que l’ordre divin, la justice céleste, puisse obéir selon notre logique, ni même la conscience humaine et surtout l’inconscient. Comment une société qui assassine le Christ ou Socrate, qui réprouve Spinoza ou condamne « l’Idiot » et se confond d’admiration pour Nietzsche au travers de ses aspects les plus sombres, pourrait-elle entrevoir les chemins de la Vérité et ceux de la Sagesse, sinon sous l’angle de la négation et de la destruction, de la soif de pouvoir et de domination ?

La Voie droite ne peut pas accepter de compromissions. L’esprit sain ne peut pas concevoir le mal avec délectation. L’âme en nous ne peut pas, de par son excellence même, être solidaire de nos errances, de nos égarements et de nos perditions. Nous seuls sommes responsables de notre propre corruption. Le mal en ce sens là, est une altération de nous dans notre essence même. Et une altération dont nous sommes toujours complices.

Crime et Châtiment de Dostoïevski. Raskolnikov, son héros, se pensant supérieur et de là au-dessus de la morale et de la loi, transcende toutes limites morales et va jusqu’à penser qu’il incarne le bien en répandant le sang. Or le meurtre qu’il a commis prend la forme d’un irrépressible tourment autour de laquelle s’articule sa rédemption finale. Toute l’œuvre de Dostoïevski est une gigantesque réflexion métaphysique sur le bien et le mal, la liberté humaine, la violence des rapports humains, Dieu et le diable, la question de la rédemption et celle du salut. Seule la foi en Dieu peut-elle épargner l’être de sa dépravation ? L’âme ici-bas ne se corrompt que par le plaisir éprouvé dans son propre pervertissement. C’est souvent d’ailleurs, chez Dostoïevski, par l’amour que les protagonistes retrouvent toute leur humanité déchue.

Les frères Karamazov. Et celui des trois frères, Ivan, qui considère que Dieu n’existant pas, de là tout est permis. « Mais alors, que deviendra l’homme, sans Dieu et sans immortalité ? Tout est permis, par conséquent, tout est licite ? » S’interroge Alexeï (Aliocha), qui lui est croyant. « Ne le savais-tu pas ? » Lui répond son frère Dimitri (ou Mitia). Si tout est permis, tout n’est pas utile, nous dit La Bible. Tout n’est pas utile en effet. Il va de soi que l’on comprend que Freud ait pu considérer cette œuvre-là, Les frères Karamazov, comme le roman le plus imposant qui n’ait jamais été écrit.

Il y a du Nietzsche en Ivan ; et Nietzsche par ailleurs, faisait l’éloge de Dostoïevski. Le matérialisme d’Ivan l’oblige en effet, à considérer que le Christ s’est simplement intégralement trompé sur la nature humaine. Lorsque le diable lui apparaît dans un délire et qu’il dialogue avec Ivan, Dostoïevski lui prête ces mots qu’il emprunte à Descartes : « Je pense donc je suis ». Faut-il y voir une critique de la raison purement cartésienne ? Le diable dit : « Je pense donc je suis, voilà ce qui est sûr ; quant au reste, quant à tous ces mondes, Dieu et Satan lui-même, tout cela ne m’est pas prouvé. Ont-ils une existence propre, ou est-ce seulement une émanation de moi, le développement successif de mon moi ? » .

Plus loin encore, le diable dit à Ivan : « Modère tes exigences, n’exige pas de moi “le grand et le beau” et tu verras comme nous serons bons amis » . Sans doute que le diable, de nos jours se réjouit, tant le Grand et le Beau se trouvent fourvoyés et s’apparentent très souvent au ridicule et au petit, au minuscule et au mesquin, si ce n’est complices du mal, compagnons de sa permanence.

Relire Dostoïevski, relire Primo Levi. Il n’est pas besoin que le mal, le mauvais, aient des apparences trompeuses pour que sa présence apparaisse çà et là tout autour de nous, et au cœur quelquefois des actes, des comportements, des paroles, les plus simples et les plus anodins. Y compris en nous-mêmes. Seule la conscience de soi peut nous épargner les desseins de ce monde comme inversé qui voit parfois dans les dérèglements et les jugements inadéquats, les plus hautes valeurs.

(...)

Tout L’idiot de Dostoïevski est une métaphore tragique de la difficulté de la constance qu’il y a de pouvoir demeurer nous-mêmes dans un état de pureté comme originelle vis-à-vis d’un monde qui peut être méchant et d’une société souvent pleine d’inégalités et potentiellement cruelle.
(...)

lundi 29 mars 2010

Traité Théologico-Politique de Spinoza (1632-1677) - Chapitre XX -: " Où l'on montre que dans un Etat libre il est loisible à chacun de penser ce qu'il veut et de dire ce qu'il pense ".

vendredi 26 mars 2010

- Chapitre IV (Extrait) -

(...) " Il y a de l’agonie psychique dans cette vie, en tous les cas de la souffrance, quand plus rien ne nous touche ou quand tout nous affecte trop et démesurément, quand l’humanité tout autour de nous fait défaut, quand en nous-mêmes l’humanité s’endort, se paralyse ou se restreint, ce n’est plus une vie d’humain et c’est un destin de fantôme, d’âme errante et souffrante qui s’offre à nous. C’est à la vie évidemment, non à la mort, qu’il nous faut consacrer toutes nos forces vives. Mais moins le monde sera humain, moins l’environnement et la société tout autour de nous feront preuve d’humanité, plus il nous sera difficile de conserver, de préserver et de sauvegarder l’étincelle vivante, si ce n’est divine, de notre propre humanité. De là nous devons résister à l’endormissement du monde et à notre propre torpeur, ou à notre propre inertie. L’énergie de la vie nous veut heureux, en pleine forme, au mieux de nos capacités, au plus près de nous-mêmes, au plus près de la Vie.

L’Occident n’est plus très soucieux aujourd’hui de la valeur sacrée de l’existence, pas plus que de la valeur sacrée de la mort. La dignité de tout individu n’est plus considérée comme inaliénable, absolue. C’est une perte d’humanité, une déshumanisation du monde dont nous avons tous à pâtir. Moins le monde est humain, moins nous nous permettrons, à tort, de l’être nous-mêmes, et plus nous nous laisserons aller à la démoralisation. Je n’ai pas plus de sympathie pour la bestialité que pour le vernis culturel et civilisé qui s’efforce de recouvrir avec habilité l’absence d’humanité, de solidarité et d’empathie. Plus les gens sont haineux et plus ils sont nerveux, mieux ils créent les conditions de la haine. Plus l’agressivité, qu’elle soit raisonnée ou bien irrationnelle, comme une traînée de poudre se répand ça et là en cherchant des boucs émissaires, des victimes sacrificielles ou des plus faibles et plus fragiles qu’eux pour pouvoir s’exalter ou tout simplement se sentir exister, et plus nous aurons à combattre contre les ferments inhumains, qu’ils soient primaires et profondément pulsionnels ou qu’ils se disent et se pensent « civilisés ». Y compris en nous-mêmes et face à nos propres démons.

Ce qui est malsain ici, est que « le bonheur des pervertis » doit passer inévitablement par la suprématie et la dominance des uns, la suppression des autres, au nom souvent de la compétitivité, de la puissance ou de la pure domination, dans un contexte acidulé de Droits de l’Homme qui ne sert plus peut-être que de parure, d’absurde légitimité, à la soif de pouvoir et à l’illusion narcissique qui fait que l’on existe plus et mieux, au détriment des autres.

Or nous sommes en contradiction avec les Droits de l’Homme en tant qu’ils sont un idéal et un objectif à réaliser. Nous en sommes si éloignés que nous ne savons parfois même pas dans la façon dont nous pensons et agissons, que les êtres humains sont égaux par nature, libres et égaux en dignité, en droits, et qu’ils doivent s’efforcer d’agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité .

Voilà la seule Loi qui devrait être nôtre : ce minimum d’intelligence, de solidarité, d’esprit de collaboration, de convivialité humaine à espérer. Une utopie du préférable pour nous tous ? La fraternité n’est certainement pas une loi ou un dogme que l’on peut imposer, à laquelle on peut nous contraindre. Tout ce qui relève du sentiment ne se commande pas, n’est point question de volonté. C’est une éducation du goût, du jugement, de la pensée, du sentiment. Seule la Loi morale, commune et intérieure à tous, pourrait nous la dicter et nous y inciter, le plus naturellement du monde si nous la ressentions comme valable, inéluctable, nécessaire et obligatoire, et si toutes les conditions étaient réunies, pour éduquer les êtres dans le sens de leur propre perfectionnement moral, et plus encore, spirituel.

Lorsque la contrainte vient de moi-même, quand je la juge nécessaire et peut-être même estimable, est-elle encore une contrainte et une obligation ? Elle n’est rien qu’un devoir auquel je m’oblige par consentement pour maintenir une harmonie entre les autres et moi, elle donne sens à mon humanité et à ma dignité, elle me fait me sentir unie à tous les autres dans un destin commun. Elle me fait aimer cette obligation que j’ai de respecter mes frères humains et mes semblables.

Voir en chacun un frère et un ami, ou ne serait-ce qu’un être à respecter quand bien même il n’est pas aimable à nos yeux, voir en lui un individu, un être et de là un égal, plutôt qu’un adversaire, un rival et un ennemi, quelqu’un comme en compétition avec nous-mêmes sur le terrain de l’existence, ou pire encore, un rien, un pur néant, un moins que rien, un inférieur, cette sorte de relation ne saurait se permettre que dans un environnement qui crée les conditions de justice et d’égalité, de compréhension et d’entente, d’évolution des mœurs, de bonne intelligence, de sagesse et d’intelligence du cœur.

Nous n’avons plus besoin de massacres sanglants et de mises à mort théâtrales pour pouvoir exalter toutes nos pulsions morbides, et dans le même temps, nous ne sommes pas encore prêts pour des temps plus civilisés où le message du Christ pourra être considéré avec tout l’éclat qu’il mérite. Tout comme ce pauvre moine qui en 404 est entré dans un amphithéâtre pour s’y faire massacrer, lapidé par les spectateurs, achevé par les gladiateurs, au nom de la bonté humaine, de l’amour fraternel qu’il voulait proclamer, partager avec tous. Tout comme chaque fois que je passe à Paris par la Place de l’Hôtel de Ville, je songe qu’autrefois elle se nommait Place de Grève, et qu’il n’y a pas si longtemps, c’était le lieu privilégié des exécutions capitales et autres tortures que les uns et les autres vivaient comme un spectacle. Nous évoluons lentement, mais nous évoluons.

Plus nous nous éloignons de la Déclaration des Droits de l’Homme dans son application, plus nous sommes complices d’une hiérarchie des valeurs qui ne pense plus en égaux mais bel et bien en inférieur et supérieur, en dominant et dominé, et pour qui effectivement, la raison du plus fort, du plus riche et du plus puissant, ou du plus rusé, du plus hypocrite, du plus méchant et du plus corrompu ou du plus perverti, est toujours inlassablement la meilleure ou la plus utile.

Aujourd’hui dans nos sociétés, on ne compte plus les prétextes qui sont donnés pour rejeter et rendre hostiles l’autre, le différent, l’étranger, si ce n’est le pauvre. Même le rmiste, l’handicapé, le chômeur, le gros et le laid, deviennent susceptibles d’être rejetés au profit de la norme qui préfère uniformiser au nom de la beauté et de la réussite ; ce qui est en contradiction avec la cruauté de la réalité, en particulier celle de la crise. Ce n’est pas un regard humain qui est porté sur l’autre si ce regard l’annihile, le rejette, l’exclut, et en un sens lui refuse le droit à l’existence, si ce n’est au bonheur.

Quelles que soient toutes nos différences, nous appartenons à la même race, à la même espèce, et toutes les distinctions, les murs que nous mettons les uns envers les autres et qui existent bel et bien, sont autant d’opportunités manquées d’embrasser la multiplicité de la diversité humaine, d’en saisir toute l’unité. Lorsque chacun pourra intérieurement et spontanément se penser comme au-delà de son rang social, de sa religion, de sa race, de sa communauté, de son sexe, au-delà de toutes ses propres particularités, et se penser égal à tous, semblable, le monde sera prêt pour l’émergence de nouvelles sociétés basées réellement sur l’effectivité de la Déclaration des Droits de l’Homme.

Notre Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, est dans son préambule, effectivement éloquente quand elle affirme qu’elle considère que ce sont « l’ignorance, l’oubli et le mépris des droits de l’homme », qui sont « les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements ». La propre corruption et la dégradation individuelle de l’être, dérivent aussi certainement de cette méconnaissance, de cet oubli ou de cette amnésie. Si je ne pense pas et si je n’agis pas en porteur de la pensée des Droits de l’Homme, que peut bien valoir mon humanité du point de vue d’un idéal humain à espérer et à rendre possible ? Si je n’intègre pas naturellement l’essence de la pensée des Droits de l’Homme, suis-je digne de l’humanité qui coule dans mes veines ? Suis-je digne du rang « d’humain » ?

(...)

Où es-tu Platon ? As-tu disparu définitivement ? Es-tu mort, enterré ? Toi qui voyait le Beau, le Bien, le Vrai, le Juste et nous dessinait le chemin pour aller jusqu’à eux. De nos jours chacun peut les voir en y mettant des minuscules ou bien des majuscules, et en imaginant pour le meilleur et pour le pire qu’ils sont universels ; or, l’Universel par essence est ce qui est commun à tous, qui vaut pour tous, et qui est valable en tous temps, en tous lieux, par-delà toute société particulière. Nous sommes devenus, petits et minuscules, si ce n’est ridicules au regard de l’Universel.

Collectivement avons-nous encore de grandes dispositions et de belles capacités à juger du Bien et du Mal, du Beau, du Laid, du Vrai, du Faux, du Juste et de l’Injuste ? C’est un piège à double-tranchant. Trop de relativisme en la matière est aussi périlleux, dangereux, que des normes trop absolues qui ne tiennent pas compte de la réalité humaine. Et pourtant sans valeurs, l’être se dévalue lui-même ou est dévalué, la société se putréfie et renonce à ses ambitions les plus saines, à ses idéaux les plus admirables.

C’est un piège que cette époque qui diffuse à tout va toutes sortes d’informations, sans nous laisser le temps propice à la pensée, pour les recevoir, les comprendre et les analyser en les passant au crible d’un véritable esprit critique, d’une capacité réelle à bien juger et d’une authentique compréhension. Pour moi le Beau, le Bien, le Vrai, le Juste, n’existent plus ici qu’au cœur de la pensée des Droits de l’Homme et dans le cœur de ceux qui poursuivent sa voie, poursuivent son chemin, dans toutes les actions concrètes qui permettent son existence. Or, quand bien même ils ne seraient rien qu’utopie, ils tracent la voie, le chemin, d’une Humanité équitable, plus humaine et plus juste, raisonnable, et en tous les cas plus spirituelle. On a aujourd’hui l’impression dans ce marasme environnant que c’est par référence au pire que des valeurs et des repères s’affichent comme par défaut, comme signaux de signification, et à ce compte-là l’Absurde a le loisir de progresser aussi sûrement que possible.

Déchirer le voile de la Mâyâ, ce serait réussir à appréhender l’existence sans se laisser piéger et abuser par les apparences trompeuses de la réalité. Tout comme chez Platon nous ne savons pas dépasser les strates de la perception sensible pour élever notre âme ou notre esprit jusqu’au royaume des Idées qui sont d’un ordre supérieur à la vie immédiate. Idées qui selon lui seraient exclusivement perceptibles par la pensée. Pensée qui demande une élévation, une conversion du regard ou son dépouillement, une évolution du jugement, une communion avec l’Absolu ou au moins une communication. Or c’est l’essence cachée du monde, sa nature authentique et originelle que dissimule le voile de Mâyâ. Tout comme chez Platon, les Idées sont apparentées au royaume des Essences – c’est-à-dire sont apparentées à ce qui est à l’origine et par nature – et sont leur être véritable par-delà toute vraisemblance.

Que voyons-nous, que savons-nous de ce qui est réellement, de ce qui est profondément et au-delà des apparences, au-delà de nos préjugés et de nos grilles de pensée ou par-delà tout faux- semblants ? Que savons-nous de l’au-delà de nos petites perceptions et autres imaginations ? Que pensons-nous, par-delà toutes nos interprétations, nos ressentis comme amputés, nos jugements difformes et déformés, de la richesse et de la profondeur de la réalité ?

Que savons-nous de la réalité ultime, de tout ce qui est innommable et ne peut être représenté sinon par les vues de l’esprit ? Que connaissons-nous de la vie sinon le point d’ancrage que nous avons saisi et auquel nous nous accrochons comme à une bouée de sauvetage qui nous permet de ne pas totalement sombrer lorsque les eaux sont déchaînées ? La peur, l’ignorance, la lâcheté, la vanité et la sécurité sont comme des œillères qui nous ferment à l’immensité et nous font tâtonner en aveugles qui croient qu’ils voient. C’est être amputé dans son âme et être entravé dans son être que de ne plus savoir entendre notre propre voix intérieure qui en toutes circonstances nous dicte le meilleur pour nous et la meilleure des voies possibles.

La conscience comme instinct divin, disait Rousseau. Cette conscience-là, nous est-elle encore accessible avec tout ce bruit qui nous environne ou lorsque le bruit est en nous ? Restaurer le silence, le silence intérieur. Le démon de Socrate, cette voix d’essence divine dont il disait qu’elle le guidait, pourquoi ne l’entendons-nous pas ?

Avons-nous encore une âme aujourd’hui ? L’Âme du Monde a-t-elle péri avec Hiroshima, Nagasaki, et les camps de concentration ? Ne sommes-nous rien que les fantômes et les descendants dévastés de la Seconde Guerre Mondiale ? L’Esprit humain a-t-il sombré dans la folie pour ne plus jamais croire que l’Humain, en réalité, se devrait de poursuivre les plus hautes destinations, les plus hautes aspirations ? C’est un être humain désolé, si ce n’est accablé, et plus souvent déconstruit, aliéné, qui malgré son visage humain erre dans l’existence sans avoir de buts qui le portent, qui soient susceptibles de l’élever. Si la société ne manifeste pas sa volonté de spiritualiser les êtres et d’harmoniser leurs comportements pour le bonheur de tous, c’est l’essence même de la société qui doit être redéfinie.

La plus haute aspiration de l’homme, telle qu’elle a été définie dans le préambule de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948, qui réclame « l’avènement d’un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère », n’est-elle qu’une utopie ? Qu’un songe d’idéalistes ? Tous ces êtres humains qui de par le monde se sont sacrifiés pour que nous puissions vivre dans des démocraties, même imparfaites, nous ne devrions plus honorer leur conscience ni comprendre le sacrifice qu’ils ont consentis pour que puissent perdurer des valeurs humaines, humanistes et sacrées ?

C’est une perte de mémoire, une grande amnésie, un lourd sommeil abrutissant qui, partout, de nos jours se répand ça et là pour nous faire oublier que les droits des êtres humains devraient être fondamentaux, inaliénables, et que la Déclaration Universelle des Droits de l’homme de 1948 a été proclamée « comme l’idéal commun à atteindre par toutes les peuples et toutes les nations » . Du point de vue de notre propre humanité, je n’envisage pas d’autres chemins que ceux de se rendre dignes de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme qui a tracé la voie à une véritable modernité et qui est à ce jour, selon moi, la plus contemporaine des traductions du message christique.

Avons-nous de l’âme aujourd’hui ? Pour le matérialisme , l’âme n’est qu’une substance imaginaire, un mythe des temps anciens, une illusion métaphysique , ou tout au plus, dans son sens immanent , une donnée de la conscience, en psychologie en particulier. Très souvent, l’âme d’aujourd’hui n’est plus que cela, ou conscience, ou esprit. C’est un principe spirituel mais qui peut être détaché de toute spiritualité, de toute notion transcendante . Les dieux se sont démodés, les dieux sont absents du monde, quand bien même nous sommes, nous croyants, une famille universelle.

Cette « propension de l’esprit humain à se répandre sur les choses », dont Hume critiquait les travers, relève évidemment d’une construction tout à fait subjective, tous les objets de la métaphysique, que ce soit l’âme ou Dieu, dépassant toute connaissance humaine si l’on demeure sceptique et agnostique . Or ce n’est pas exclusivement le champ des théories scientifiques qui nous permettront d’embrasser ce que seule notre propre présence sur Terre, vivante et unifiée, dépouillée, détachée, pourra effectivement nous donner de l’au-delà des phénomènes, mais bel et bien aussi, la connaissance directe et intuitive, si ce n’est mystique, et de ce fait suspecte et suspectée de n’être qu’imaginations.

Effectivement, d’un point de vue purement scientifique, l’âme en tant qu’immatérielle et transcendante, n’a de nos jours aucune raison d’être, sinon comme illusion, croyance. Mais jusqu’à quel point la science nous sert-elle ou nous dessert-elle quand elle nous impose de vivre exclusivement selon ses vues et selon ses limites même sans cesse repoussées ? Est-elle toujours et invariablement au service de l’Humanité ? Est-elle toujours au service d’une vie meilleure, d’une humanité plus humaine ? Non pas qu’il faille évidemment rejeter la science, bien au contraire, mais que la science elle-même doive avoir pour ambition et pour projet le bonheur, le bien-être de toute l’humanité, et pas exclusivement le progrès des technologies.

C’est aussi la science qui a permis à grande échelle qu’on puisse raser Hiroshima, Nagasaki et quand bien même c’est par cet acte si innommable qu’a pu se terminer la Seconde Guerre Mondiale ; de même que les dignitaires nazis étaient le plus souvent extrêmement cultivés, quand ils n’étaient pas médecins, psychiatres ou docteurs en philosophie. La science, la culture et la barbarie peuvent cohabiter ; ce n’est plus impensable, même si cela paraît incompréhensible aux esprits qui ne sont pas encore atteints de vices et de difformités. La culture, l’instruction, le savoir et la connaissance peuvent aussi donner naissance à toutes sortes de perversions. La Culture et c’est malheureux, peut même servir à les légitimer, à les rendre acceptables.

Devant la créativité de l’esprit humain depuis la nuit des temps, la science peut certes se satisfaire de ses progrès. Nous devons croire en la science, mais tout l’univers et toutes les dimensions de l’être humain lui sont-elles déjà dévoilées ? La foi et la croyance n’ont-elles rien ajouté dans des perspectives différentes ? Ce serait un progrès que l’âme ait disparu ? Or, que signifie le progrès si les hommes ne vivent pas mieux ? S’ils ne sont ni plus heureux ni même plus libres ? Si ce progrès ne concerne pas la conscience collective, la croissance éthique et morale de l’Humanité, si ce progrès ne concerne pas le bonheur, le bien-être de l’humanité toute entière, est-il si favorable à notre humanité ? Comme le souligne Benoît XVI dans sa seconde encyclique qui s’intitule Spe Salvi et qui constitue un hymne à l’espérance, « Si au progrès technique, ne correspond pas un progrès dans la formation éthique de l’homme, dans la croissance de l’homme intérieur, alors ce n’est pas un progrès, mais une menace pour l’homme et pour le monde » .

Nous avons besoin d’espérance. Nous avons besoin d’espérer et de croire en nous-mêmes. Il ne sert à rien d’avoir peur sinon, selon l’adage zen, de la peur elle-même. Toute peur est à affronter et à regarder dans les yeux. Toute peur est à dépasser. La croissance éthique de l’homme… Le temps désormais est venu de parler d’être humain ; la femme a droit à la reconnaissance de son existence ici-bas et de son importance au même titre que les hommes. Hommes et femmes se partagent le monde et chacun doit y avoir droit, mais sans complicité entre eux, sans complicité entre-nous, le monde peut-il évoluer de la meilleure façon qui soit ? C’est une aberration que la Femme, qui par excellence porte la Vie, ne soit pas élevée au rang de quasi-divinité de par sa connivence même avec la Nature, et qu’elle ait dû souffrir de sa prétendue infériorité depuis tant de siècles ; qu’elle puisse en souffrir encore. Hommes et femmes sont ensemble pour se compléter, pour se comprendre les uns, les autres, et pour se développer ensemble. Pourquoi est-ce si différent dans le réel ? En qualité d’Êtres Humains nous sommes comme au-delà de toute détermination Homme, Femme, Enfant. Fondamentalement, l’essence même de notre identité est avant toute chose Humaine.

La croissance éthique de l’Être Humain ? La conscience collective, la croissance morale de l’Humanité? Si nous pouvions considérer que le monde est chacun de nous, et que l’humanité contenue en chacun, contenue en nous-mêmes, est un Universel pour lequel nous devons nous battre ne serait-ce qu’à notre échelle en tant qu’individu, particule du monde et de la société dans notre vie de tous les jours, à chaque instant, nous saurions, nous comprendrions, que nous sommes tous liés les uns aux autres, que chacun à son importance, que notre rôle à tous est d’importance, et que la façon dont je traite autrui ne me renvoie rien qu’à moi-même, que la manière dont je me traite et traite ma propre dignité ou celle des autres, m’exclut ou m’inclut de l’humanité, et que la considération que j’ai pour moi, il me faut l’avoir pour les autres, comme préambule à l’Humanité et à ma propre humanité.

Sans ce retour sur soi, sans cet examen de conscience et sans cet effort d’être digne de mon humanité, sans la permanence obligatoire, d’une saine moralité en moi, ou au moins d’une éthique de l’ordre du devoir librement consenti, me permettant de vivre en harmonie avec moi-même autant qu’avec les autres, puis-je même espérer vivre dans un monde qui soit « humain » ? Puis-je me regarder comme humain ou humaine ? L’Humanité est un effort de tous pour tous. " (...)